Adrien Bilal est professeur d’économie à Harvard, ses recherches s’intéressent principalement à l’économie spatiale et l’économie de l’environnement. Dans un document de travail, sorti en mai 2024, The Macroeconomic Impact of Climate Change: Global vs. Local Temperature, il revisite, conjointement avec Diego Känzig, les estimations du coût économique du changement climatique. Dans ce dialogue, nous revenons avec lui sur ce travail, comment il se distingue des études antérieures et les conclusions que l’on peut en tirer pour l’adaptation au changement climatique et son financement.
Le coût du changement climatique
Institut Avant Garde : L’entretien va surtout être centré sur votre récent document de travail sur le coût du changement climatique. C’est un papier qui est écrit avec Diego Känzig, est-ce que vous pouvez en résumer très rapidement les résultats ?
Adrien Bilal : Oui, bien sûr. C’est un article où l’on s’attache à évaluer les conséquences du changement climatique avec une méthodologie assez différente de ce qui a été fait jusqu’à maintenant. On regarde directement comment les fluctuations de la température mondiale affectent l’activité économique. En regardant directement cette relation, on s’est rendu compte que la température mondiale avait des effets majeurs. Quand la température mondiale augmente transitoirement de 1 °C, ça implique une réduction très persistante du PIB de l’ordre de 12 %. Quand on convertit cet effet en un coût social du carbone, on arrive à un chiffre juste au-dessus de 1000 euros par tonne au lieu de 100-150 euros par tonne. C’est un changement de perspective majeur.
Comment expliquez-vous la grande différence avec les travaux précédents ?
Adrien Bilal : C’est une différence qui vient principalement de la représentation du changement climatique que l’on utilise. Les travaux précédents se sont attachés à étudier l’effet de la température locale. En bref, quand en France il fait un peu plus chaud qu’en Allemagne, on compare l’évolution du PIB en France par rapport à l’Allemagne et on en déduit les coûts climatiques. Dans notre étude, nous sommes partis de l’observation que la température au niveau d’un pays est une représentation incomplète du changement climatique. C’est par ce que le changement climatique se traduit par une augmentation de la température mondiale qui passe aussi par un réchauffement des océans. Et le réchauffement des océans est implicitement passé sous silence dans la comparaison France-Allemagne qui sous-tend les analyses traditionnelles.
Quand les océans se réchauffent, les régimes d’évaporation changent, mais aussi les régimes de précipitation, d’orage et de tempête tropicale. Ce sont des phénomènes qui sont pris en compte dans notre analyse, parce qu’on étudie directement les variations de température mondiale. C’est la différence principale avec les études précédentes et c’est ce qui explique que les conséquences du changement climatique dans notre analyse sont environ six fois plus importantes.
« On arrive à un chiffre juste au-dessus de 1000 euros par tonne au lieu de 100-150 euros par tonne. »
Concrètement, on peut donc dire que les chocs sur la température mondiale ont plus d’impact sur l’activité que les chocs sur la température locale, mais par quels canaux ?
Adrien Bilal : Dans l’étude, on montre que l’augmentation de la température mondiale implique un accroissement très marqué des événements extrêmes : des vagues de chaleur, des précipitations très fortes ou des vents très forts. On sait que ces événements extrêmes font partie des conséquences les plus coûteuses du changement climatique. À l’inverse, quand la température locale augmente au niveau d’un pays, c’est associé avec une petite augmentation des vagues de chaleur comme on s’y attend, mais presque pas de changement dans en termes de précipitations et de vent. On interprète donc la différence majeure de coût économique comme le produit des événements extrêmes qui augmentent de façon bien plus marquée avec les fluctuations de températures globales. C’est aligné avec les géosciences qui nous indiquent que le climat est un système global.
Votre méthodologie repose sur l’utilisation de chocs temporaires et passés sur la température mondiale pour extrapoler les conséquences futures de l’augmentation, qui va être constante et persistante, de la température avec le changement climatique. Est-ce que c’est un problème de passer de ces chocs temporaires sur la température globale à une évolution persistante de la température ? Et à moyen terme, est-ce que l’adaptation au changement climatique ne va pas limiter justement les coûts que vous mettez en valeur ?
Adrien Bilal : C’est une excellente question et il y a plusieurs éléments de réponse. La première réponse, c’est qu’on est nécessairement limité par l’histoire. Quand on analyse des effets de température globale, on est forcé d’utiliser des fluctuations temporaires. Comme on n’a évidemment pas deux planètes, l’une qui subit le changement climatique et l’autre pas, on est obligé de se reposer sur des comparaisons plus fines : ces fluctuations temporaires. C’est également ce que la littérature a fait jusqu’ici en regardant les fluctuations annuelles de température locale. C’est évidemment une limite potentielle de l’analyse parce qu’on s’attend à ce que l’adaptation aux changements de température permanents soit plus marquée que l’adaptation aux fluctuations transitoires.
C’est une possibilité, mais il y a deux régularités empiriques qui semblent invalider cette conclusion. La première régularité, c’est qu’il y a quelques études – et c’est étonnant qu’il n’y en ait pas plus – qui évaluent les conséquences des changements locaux de température sur le long terme, à l’intérieur des États-Unis par exemple. Elles trouvent que les conséquences du changement climatique qu’on infère à partir de ces changements de long terme ne sont pas si différentes de celles qu’on infère à partir des fluctuations transitoires. Ces résultats indiquent qu’il y a assez peu d’adaptation, en tout cas en réponse aux changements de température locale. Il y a d’autres études qui analysent comment l’innovation technologique, par exemple le développement de nouvelles variétés agricoles, a pu permettre plus de résilience. Elles trouvent aussi des effets d’adaptation assez faibles.
La deuxième régularité, c’est qu’on peut aussi inférer le rôle de l’adaptation à partir de notre analyse. En effet, on peut regarder l’impact des changements de température mondiale en commençant l’analyse dans les années 60 ou dans les années 80. Entre-temps, on sait que la température mondiale a évolué. Si on s’était adapté entre les années 60 et les années 80, on s’attendrait à ce que l’effet des variations de température soit plus faible à partir des années 80 qu’elle ne l’est à partir des années 60. C’est indirect, mais c’est une bonne façon de se rendre compte s’il y a déjà eu de l’adaptation. Et la réponse, c’est qu’on ne voit absolument aucune différence. L’effet est même un peu plus fort dans la période plus récente.
Un dernier point sur l’interprétation des résultats du papier, est-ce que les estimations prennent en compte de possibles effets de bascule climatique ?
Adrien Bilal : L’étude ne les prend pas en compte. Comme on se repose sur des fluctuations transitoires de température, elles sont de taille assez modérée, de l’ordre de 0,1 °C. On est donc contraint d’imposer un modèle linéaire dans l’analyse empirique. C’est-à-dire qu’on utilise ce qu’on obtient à partir de ces petites fluctuations pour ensuite inférer ce qui se passerait si on avait 2 °C ou 3 °C de réchauffement. On n’a pas les moyens statistiques dans cette étude de capturer des effets non linéaires mondiaux. Dans la mesure où les effets de bascule augmentent encore les coûts climatiques, on sous-estime donc le coût du changement climatique.
La méthode
L’une des innovations de cet article est de passer d’une analyse au niveau national à une analyse au niveau mondial. Est-ce que vous pensez qu’il y a d’autres conclusions sur les effets du réchauffement climatique qui pourraient être réajustées en élargissant la focale ?
Adrien Bilal : Il y a trois aspects non monétaires qui sont beaucoup discutés dans le cadre du changement climatique et que l’on pourrait revisiter avec notre approche. Le premier, c’est la migration. Le deuxième, ce sont les conflits. Et le troisième, c’est la mortalité. Ce sont des aspects qui ne sont pas directement mesurés dans le PIB, mais qui peuvent entraîner des conséquences importantes dans le cadre de l’adaptation au changement climatique. Concernant la migration, les analyses existantes qui se basent sur la température locale impliquent des effets très ambigus. Ce serait intéressant de voir si on obtient des résultats plus nets avec la température mondiale. Pour les conflits et la mortalité, les travaux existants trouvent des effets plus clairs avec la température locale. Ces effets pourraient être potentiellement plus importants si on étudiait la température globale, comme on l’a montré dans le cas du PIB dans notre étude.
Vos estimations du coût social de carbone, même si elles sont plus élevées que les travaux précédents, sont donc doublement sous-estimées ?
Adrien Bilal : Oui. D’ailleurs, on peut ouvrir une petite parenthèse, mais dans les évaluations actuelles du coût social du carbone, qui se basent sur la température locale, 50 % des dommages sont attribués aux effets sur la mortalité. Donc, si jamais les effets sur la mortalité sont démultipliés de la même façon que les effets sur le PIB quand on considère la température mondiale, on peut s’attendre à ce que le coût social du carbone soit substantiellement plus élevé si on incorporait également la mortalité dans notre approche, même si à ce stade on ne sait pas à quel point.
L’autre chose que je voudrais ajouter puisqu’on discute de ce qui pourrait faire augmenter le coût social du carbone, c’est une précision sur notre calcul de celui-ci. Nous avons été très conservateurs dans la mesure de sensibilité climatique – le lien entre émissions et réchauffement – que nous utilisons : elle est deux fois plus petite que celle estimée par les modèles climatiques actuels. Ça nous permet d’être plus proches de la relation historique entre émissions et réchauffement. Mais si on utilisait la sensibilité climatique moyenne des modèles climatiques, le coût social du carbone serait deux fois plus élevé.
Quelle est la place des autres disciplines dans votre travail ? Vous faites souvent référence aux travaux de géosciences. Est-ce l’habitude des économistes dans votre discipline ?
Adrien Bilal : Il y a une tradition de dialogue avec les géosciences en économie de l’environnement. Il y a toujours eu des efforts pour incorporer des représentations, au moins simplifiées, de modèles climatiques, avec un lien entre les émissions carbone, la température, les océans, etc. Récemment, la littérature empirique qui évalue les conséquences du changement climatique s’en est un peu détachée de façon a pouvoir se focaliser sur des questions d’identification économétrique.
Ce qu’on a essayé de faire dans notre étude, c’est de garder cette rigueur d’analyse économétrique et statistique, mais de rapporter une représentation plus classique, plus compréhensive, de ce qu’est le changement climatique. Les climatologues ont en général une réaction très positive quand on leur décrit notre approche.
« Le monde serait plus riche d’environ 37 % aujourd’hui si on n’avait pas eu de réchauffement. »
Le lien avec les politiques publiques
Votre analyse est contrefactuelle, est-ce que vos résultats permettent d’imaginer ce à quoi ressemblerait un monde sans réchauffement ?
Adrien Bilal : Exactement, c’est tout l’objet de l’analyse dans la deuxième partie de l’étude : comparer ce qui se passe avec le réchauffement à ce qui se passerait sans réchauffement. Notre première analyse est purement rétrospective : on évalue à quel point le monde serait plus riche aujourd’hui s’il n’y avait pas eu de réchauffement depuis les années 60. La température mondiale a augmenté d’à peu près 0,75 °C, et on trouve que le monde serait plus riche d’environ 37 % aujourd’hui si on n’avait pas eu de réchauffement.
C’est un chiffre qui est assez important ! Je pense qu’on a tous des idées de ce qu’on pourrait faire avec 37 % de revenus en plus. Ça représente une baisse annuelle du taux de croissance d’environ un quart. Évidemment, c’est une comparaison assez extrême, puisque ça coûterait aussi à l’économie d’éviter le réchauffement en réduisant les émissions. Si on avait mis en place les politiques climatiques adaptées pour éviter tout réchauffement depuis les années 60, on aurait gagné du pouvoir d’achat entre 0 % et 37 % aujourd’hui, mais notre analyse ne permet pas de dire où exactement.
Notre seconde analyse est prospective : elle évalue les conséquences d’un réchauffement de 2 °C supplémentaires à l’horizon 2100 par rapport à la température actuelle. Quelle est la perte en pouvoir d’achat en 2100 ? Les effets sont substantiels : le PIB et la consommation baissent de 50 %. Attention : ça ne veut pas nécessairement dire qu’on sera 50 % plus pauvres en 2100 par rapport à aujourd’hui, parce qu’on s’attend à ce qu’il y ait quand même de la croissance économique d’ici 2100. Cela veut juste dire qu’en 2100, on serait deux fois plus riche par rapport à ce qu’on aurait en 2100 s’il n’y avait eu de changement climatique. Cependant, nous montrons que les effets cumulés de perte de pouvoir d’achat entre aujourd’hui et 2100 sont équivalents à une perte de pouvoir d’achat de 31 % dès aujourd’hui par rapport à un scénario sans changement climatique.
Qu’est-ce que vos résultats permettent de dire sur le prix de l’adaptation aujourd’hui ?
Adrien Bilal : On n’analyse pas directement les coûts de l’adaptation dans notre étude. En revanche, nos résultats permettent de mettre en perspective les coûts potentiels de l’adaptation. En théorie, tant que les coûts d’une adaptation complète sont en dessous de 30-50 % du PIB, nos résultats suggèrent que ce serait un investissement bénéfique. En pratique, toute forme d’adaptation est incomplète et il faut une analyse coût-bénéfice plus spécifique pour évaluer ses conséquences.
Comment vos résultats changent-ils les arbitrages auxquels font face les États, et en particulier les pays européens, et notamment la France ?
Adrien Bilal : Dans notre analyse, on estime que les coûts économiques sont six fois plus grands auparavant, ce qui implique un coût mondial du carbone de 1 000 euros par tonne. Cette conclusion implique que les coûts climatiques spécifiques à un pays ou à une région sont également beaucoup plus élevés que ce qu’on pensait auparavant. Évidemment, les coûts climatiques pour l’Europe sont inférieurs à 1 000 euros par tonne, parce que l’Europe ne représente qu’une partie de l’activité économique mondiale. Si on se base sur une règle de proportionnalité du PIB européen par rapport au PIB mondial, le coût du carbone juste pour l’Union européenne est à peu près à 150 euros par tonne. Sur le marché ETS, on est à peu près à 70 euros. C’est donc en dessous de ce qui est avantageux d’un point de vue d’une analyse coût-bénéfice, même sans que l’Union Européenne ne prenne en compte les dommages climatiques en dehors de ses frontières. Autrement dit, même sans se préoccuper du reste du monde, l’Union européenne aurait intérêt à augmenter le coût du carbone jusqu’à 150 euros la tonne.
Ce qui est très intéressant, c’est que pour des économies à fort PIB comme l’Union européenne ou les États-Unis, la plupart des politiques de décarbonisation deviennent rentables même si ces économies se préoccupent uniquement des dommages sur leur territoire. Dans le cas de l’Inflation Reduction Act aux États-Unis qui vise à réduire les émissions carbone, le coût de la décarbonisation est de 80 euros par tonne. On peut donc décarboner une grande fraction de l’économie tout en étant égoïste. On espère donc que ces conclusions vont inciter les grandes économies comme les États-Unis, l’Europe ou la Chine, à décarboner plus rapidement. Mais ça doit aussi nous inciter à agir collectivement : plus on se rassemble, et on passe d’une échelle française à une échelle européenne par exemple, plus l’analyse coût-bénéfice est avantageuse.
Une dernière chose que j’aimerais ajouter, c’est que plus on décarbone nos économies, plus la tonne de carbone supplémentaire qu’on retire de l’économie coûte cher. Toute la question, c’est de savoir quelle fraction de l’économie l’on peut décarboner jusqu’à ce qu’on arrive à un coût qui soit égal au coût climatique propre au pays ou à la région. Ce sera très important de déterminer précisément cette courbe de coûts à l’avenir.
« On peut donc décarboner une grande fraction de l’économie tout en étant égoïste. »
Est-ce que vous jugez qu’une partie de ces investissements peuvent s’autofinancer ?
Adrien Bilal : Si on suppose que l’État porte l’intégralité des coûts de décarbonation, mettons 80 euros par tonne, nos résultats indiquent que l’économie européenne ou américaine fera entre 150 et 200 euros de bénéfices sur cet investissement grâce à de la production qui ne sera pas perdue. Ensuite, en prenant un taux de taxation total de la production économique entre 30 et 40 % l’État aura des recettes supplémentaires entre 45 et 80 euros par tonne d’émissions évitées. Ainsi, on peut considérer que même si les États ne se préoccupent que des gains sur leur territoire, on peut arriver à un point où ces politiques s’autofinancent en grande partie ou même complètement sur le moyen terme.
Est-ce que ça exonère pour autant d’une réflexion sur les manières de financer à court terme ces investissements dans un monde de contraintes budgétaires ?
Adrien Bilal : C’est aussi une très bonne remarque. Il y aura potentiellement plus de pressions fiscales à cause du changement climatique, parce qu’il faudra accompagner les ménages et les entreprises qui vont subir ses conséquences. S’il y a déjà de fortes pressions budgétaires et qu’on a peu d’espace fiscal pour faire des subventions importantes, la question sera de savoir quelle fraction de ces coûts l’État est prêt à porter et quelle fraction le privé peut prendre à sa charge. Cette question est automatiquement réglée si l’on met un prix sur le carbone, mais on sait que c’est très difficile à mettre en place en pratique, surtout pour des montants pareils. C’est en partie en réponse à ce type de contraintes de faisabilité politique que les États-Unis se sont tournés vers des subventions.
Une question sur l’un de vos autres articles, qui a été publié dans le Quarterly Journal of Economics, « Geography of unemployment », où vous tentez d’expliquer pourquoi certains endroits connaissent un chômage persistant, notamment dans le cas de la France et des États-Unis. Quelle est, selon vous, la source de ces inégalités spatiales et comment les corriger ?
Adrien Bilal : C’est un article qui a commencé par reconnaître que le point de vue conventionnel était que les régions à fort chômage souffraient de difficultés importantes d’embauche : c’est-à-dire qu’il y est particulièrement difficile d’y trouver un emploi. Ce que j’ai montré dans cet article, c’est que ce n’est pas particulièrement plus ou moins difficile de trouver du travail dans les régions à fort chômage. En revanche, c’est la stabilité de l’emploi qui change fortement : on perd son emploi plus facilement dans les régions à fort chômage qu’ailleurs. Une des conclusions de l’article est donc que la cause principale du chômage local est la différence de stabilité de l’emploi et non pas la différence de l’embauche. Ensuite, il y a une seconde partie de l’analyse empirique qui montre que ces différences de stabilité de l’emploi sont fortement liées au type d’entreprise qui opère dans ces régions. Il y a des régions avec des employeurs qui sont en flux tendu et donc ont plus tendance à avoir un roulement important et par conséquent un taux de perte d’emploi plus élevé.
Ça déplace le débat sur le chômage régional de l’accompagnement des travailleurs à des interventions qui visent plutôt les entreprises. Dans l’article, je montre qu’il y a une grande valeur potentielle à des politiques publiques qui inciteraient les entreprises à se relocaliser vers les régions à fort taux de chômage. On peut penser aux Zones Franches Urbaines, par exemple. Bien sûr, ce n’est pas facile de mettre en place ces politiques : il peut y avoir de l’optimisation fiscale et d’autres effets non prévus. Ce ne sont donc pas des gains garantis, mais ça montre qu’il y a un potentiel important si la politique est bien conçue.
Conclusion
Pour conclure, l’Institut Avant-garde cherche à transformer l’esprit économique, quelle est selon vous la transformation la plus importante à effectuer ?
Adrien Bilal : C’est une question qui est très vaste. Je vais y répondre dans le cadre du changement climatique et de l’économie de l’environnement. Il y a eu beaucoup de travaux qui évaluent les effets du changement climatique sur l’activité économique, mais il y a moins de travaux sur les liens entre l’activité économique et la biodiversité parce que c’est plus difficile à évaluer. La valorisation de la biodiversité n’est pas encore assez développée pour pouvoir l’inclure systématiquement dans les analyses coût-bénéfice des politiques publiques. Il y a besoin de beaucoup plus de travaux et de dialogue entre les disciplines, dont l’économie, mais aussi toutes les disciplines qui s’intéressent plus directement à la biodiversité, et les décideurs politiques. Si on transforme un hectare de forêt en exploitation agricole, on comprend bien les bénéfices économiques, mais on a beaucoup de mal à mettre un prix sur les coûts de court et long terme en termes de perte d’habitat naturel et de déclin de la biodiversité.
Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions.
Adrien Bilal est assistant professor à Harvard depuis 2022. Il est passé auparavant par l’école Polytechnique, la Paris School of Economics, et a fait son doctorat à Princeton.
Image : Salvador Dali, Les Eléphants, 1948, huile sur toile.