Written by 13h11 Tribuns

Antoine Pellion, Secrétaire général à la transition écologique : comment planifier ?

La première conférence de l’Institut Avant-garde, coorganisée avec Construire l’écologie, à l’ENS Ulm le 15 mai, était consacrée à la transition écologique en Europe, en vue des élections de juin. A la suite du premier panel, présenté ici, Antoine Pellion, le secrétaire général à la planification écologique, est intervenu pour présenter les actions du secrétariat qu’il dirige et la façon dont il envisage la planification. Nous revenons ci-dessous en quelques mots sur ses principaux messages. Il met en avant la nécessité d’une approche intégrée et coordonnée pour atteindre les objectifs de transition écologique tout en assurant un certain niveau de développement économique et en préservant une certaine justice sociale. Il insiste également sur l’importance d’une répartition équitable des efforts pour réussir à mobiliser les financements publics et privés pour la transition.

Le rôle du Secrétariat général à la planification écologique

Lors de son intervention, Antoine Pellion a commencé par rappeler l’immensité du défi auquel nous faisons face pour atteindre nos objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous devons d’abord réduire nos émissions de 55 % d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, mais aussi de ne pas oublier la sauvegarde de la biodiversité sur notre territoire ; enfin, nous devons penser dès maintenant l’adaptation au changement climatique. Il faut donc prendre en compte une multiplicité d’enjeux : environnementaux, de santé, commerciaux, géopolitiques, etc. Le contexte est par ailleurs contraint : les ressources naturelles (biomasse, eau, foncier, sable, métaux) et humaines auxquelles nous pouvons recourir sont limitées et ces contraintes sont souvent oubliées.

La transition environnementale n’est donc rien de moins qu’un « chantier titanesque » où le Secrétariat Général à la Planification Ecologique (SGPE) a le rôle de maître d’œuvre. Mais pourquoi parler de planification ?

D’abord car le problème a une dimension globale : il n’y a pas d’instrument magique qui suffira isolément à apporter une solution à tout. Décarboner les secteurs aérien et maritime par exemple nécessitera une combinaison de biocarburants et d’autres technologies, mais aussi de changer la façon dont nous nous déplaçons. Pour cela, il faut mettre en place une véritable stratégie industrielle et penser la construction de filières qui n’existent pas encore. Il faut donc une vision globale. Ensuite, car il y a un besoin de coordination entre les différents acteurs (État, collectivités, ménages, entreprises) pour renforcer l’efficacité de leurs actions et éviter le double emploi. Enfin, car l’adaptation au changement climatique doit se faire dans la durée et non pas brusquement, sa mise en place doit être planifiée et progressive pour ne pas susciter de résistances. Au sein de l’Etat, la mission du SGPE est de participer à construire cette vision avec les différents ministères concernés, s’assurer de la coordination entre eux et de la continuité de l’action qui est menée.  

Des efforts à fournir et à répartir

Quel est l’ampleur de la tâche ? Il faut environ 100 milliards d’euros par an d’investissements dans la transition jusqu’en 2030, avec un besoin net de financement de 2 milliards d’euros par an. Cela sera impossible sans la mobilisation de financements publics et privés alors même que les coûts d’emprunt ont fortement augmenté en période d’inflation et de taux élevés.

Plus qu’une simple question de financement, Antoine Pellion associe la transition environnementale à un véritable projet de développement économique. Il passe selon lui par une réindustrialisation de la France pour développer des filières industrielles locales, réduire nos émissions exportées et limiter la dépendance aux importations, notamment pour les technologies vertes comme les voitures électriques. Les premières mesures mises en place ont déjà permis de faire repasser la part des véhicules européens de 50 % à 70 % en France entre 2022 et 2023. Ce projet passe aussi par des efforts de sobriété, quand cela est possible, notamment à travers le changement de nos habitudes de consommation.

Le secrétaire général juge que les efforts devront être réparti de façon équilibrée et équitable pour assurer l’adhésion de tous à la façon d’un contrat social. Pour 2030, il estime d’abord que la moitié des moyens sont dans les mains des entreprises : il s’agit de la logistique, des processus industriels, de la production d’énergie et déchets, etc. Un quart est du côté des pouvoirs publics, notamment concernant les mobilités, la gestion des déchets, l’aménagements et l’utilisation du sol. Enfin, le dernier quart est du côté des ménages, pour ce qui touche au chauffage de notre logement et de notre façon de se déplacer. Selon lui, les efforts à réaliser sont raisonnables : il considère que seulement 15 % des Français devront adopter des comportements radicalement différents (comme posséder une voiture électrique ou investir dans une chaudière électrique) d’ici 2030 pour atteindre nos objectifs à cet horizon.

La planification sur le terrain

Concrètement, la transition ne se fera pas non plus sans les collectivités territoriales. Elles sont les principales responsables des infrastructures essentielles (bâtiments publics, réseaux d’eau, transports en commun) pour mener la transition. A l’autre bout de la chaîne, elle ne se fera pas non plus sans coordination européenne à la fois pour financer une partie de la transition écologique, avec des fonds non affectés à un seul pays, et pour participer à faire évoluer les règles du jeu au niveau mondiale pour que tous les pays décarbonisent leurs économies.

Le terrain est aussi celui des financements. Il faut arriver à repenser la façon de les mobiliser, quitte par exemple à considérer la dette générée par ces investissements de façon différente (voir les propositions de l’Institut Avant-garde ici) ou bien d’envisager des taux verts (et ici). Le rôle crucial des investissements dans les infrastructures doit aussi nous demander d’explorer des modes de financement alternatifs, comme ceux engagés par le Grand Paris ces dernières années. Mais il faut également lier la question des financements à celle du déploiement territorial des investissements, notamment dans le cas des énergie renouvelables.

En définitive, l’intervention d’Antoine Pellion était un message d’espoir : entre 2022 et 2023, les émissions ont baissé de 5 % ce qui est proche du niveau qu’il faut atteindre et les actions à engager sont loin d’être en dehors du champ des possibles. Il faut toutefois commencer à travailler dès maintenant pour continuer à planifier pour l’après 2030, avec de nouveaux objectifs, de nouveaux outils et de nouveaux moyens pour assurer une transition durable à long terme.

Image :Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne, 1937.
L’aménagement intérieur du hall tronconique, conçu par Félix Aublet et Robert Delaunay et réalisé par l’association Art et lumière.

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